Des revues et des hommes

Tissage, n°2, avril 2003

Né en 1946, Marcel Gauchet, philosophe et historien, contribue à la vie des idées depuis le début des années 1970. Dans le sillage de Claude Lefort, il a participé à des revues militantes (Libre, Textures…), puis s’est associé à Pierre Nora pour créer Le Débat, qui s’est imposée depuis une vingtaine d’années comme l’une des grandes revues françaises de réflexion.

Dans ses livres, Marcel Gauchet est moins soucieux de prédire notre avenir politique que d’identifier les questions de fond auxquelles est confronté l’individu dans la société démocratique : les droits de l’homme, la place de la religion dans la modernité, l’éducation…Il retrace dans cet entretien son expérience de chercheur, d’enseignant et d’éditeur. Trois métiers qu’il exerce avec la même exigence de comprendre son temps. Ce philosophe discret et efficace n’a rien du « nouveau réac’ » : s’il ne voit pas se révéler à ce jour une nouvelle génération intellectuelle, il appelle de ses vœux l’apparition d’une relève. Pour renouveler le débat.

Tissage : Quels sont les motivations qui vous ont conduit à créer des revues ?

Marcel Gauchet : J’avais vingt-deux ans en 1968, j’appartiens à une génération militante ; or l’engagement militant et les revues vont souvent ensemble….Pour utiliser une typologie conventionnelle, j’appartenais à l’extrême gauche libertaire, qui était en butte à la puissance considérable du Parti communiste français et des diverses obédiences trotskistes ou maoïstes qui le contestaient, au nom d’un marxisme-léninisme plus pur et plus incandescent encore. Cette situation a pesé sur l’orientation de mes études et de ma vie. Elle m’a déterminé à faire des études d’histoire et de philosophie, avec l’idée que la clé de la situation politique dans laquelle nous nous trouvions résidait dans une théorie de l’histoire capable de démentir efficacement le marxisme, non pas simplement en tentant de le critiquer ponctuellement (comme le faisait Aron, très bien, à l’époque), mais en proposant une vision alternative. Ce projet m’a conduit assez vite à une activité intellectuelle engagée, se souciant, par les revues, de faire entendre une voie minoritaire. Je suis arrivé dans le monde des revues en 1970, j’y ai pris goût et depuis j’ai passé ma vie à en faire.

Comment trouviez-vous le moyens de publier votre revue ?

M.G. : Publier une revue ne nécessite pas beaucoup d’argent : nous avions uniquement besoin d’un imprimeur qui réalise un travail correct. Nous nous chargions du reste, y compris la distribution en librairie. J’ai beaucoup porté les paquets ! Nous réunissions les fonds grâce à un cercle militant (par un système de cotisations) et en « raclant » quelques aides. Aujourd’hui, ces courants marginaux ont disparu. On a du mal à se représenter cet activisme souterrain qui constituait une part non négligeable de la vie intellectuelle.

Par la suite, les revues dont vous vous occupiez ont pris de l’importance. Pour la revue Libre, vous avez eu la possibilité de collaborer avec l’éditeur Payot, ce qui vous a déchargé de toutes les contraintes « techniques » que vous venez d’évoquer. Comment caractériser alors votre fonction d’éditeur de revue ?

M.G. : Le métier d’éditeur de revue consiste à réaliser un numéro sur la base des discussions avec un comité de rédaction. Ce schéma est assez improbable dans les faits puisqu’il y a toujours, au-delà de l’orientation éditoriale, une part de confection qui nécessite un travail spécifique. Quand vous y regardez de près, toutes les revues d’extrême gauche importantes ont été réalisées par une personne qui s’y connaissait en édition. En général, le militant politique, a fortiori intellectuel, ne met pas les mains dans le cambouis. Il n’y connaît rien. Il y a toujours des préposés à cette tâche.

Quel est selon vous le lien entre la « confection » de la revue, au sens de l’objet, et le travail théorique ?

M.G. : Pour moi, il y a toujours eu un lien, qui n’est pas simple à formuler…Toute vie intellectuelle a besoin d’être relayée, et suppose en ce sens une mise en scène. Cette mise en scène, ç’est bien sûr les médias, qui nous échappent : c’est une métier en soi, c’est ce qui regarde l’écho social. En amont, la mise en scène concerne d’abord les objets, qu’il s’agisse de livres ou de revues. C’est à ce niveau qu’il est possible d’intervenir. Très peu d’intellectuels se sont intéressés à ces questions. Pourtant, ça les tracasse beaucoup. Ils ne veulent pas être édités n’importe où, dans n’importe quelle revue ou par n’importe quel éditeur, ils ne veulent pas que leur livre ait n’importe quelle figure….

Le travail d’élaboration du produit me semble extrêmement important : ou bien on en a le sens et on a le désir d’avoir une prise dessus, ou bien on s’en moque et on se met passivement dans la main de l’éditeur auquel on fait confiance. C’est le cas de la plupart des intellectuels.

Le travail d’éditeur m’a passionné dès que j’y ai touché, quand bien même je ne l’ai fait au départ que pour des motifs militants. Il y a un art de l’objet imprimé, de sa lisibilité, de la façon dont il se présente. Par exemple, contrairement à ce que les gens croient, la majeure partie des titres ne vient pas des auteurs mais des éditeurs. Tout livre dit quelque chose de lui-même par la manière dont il se présente. Toute revue dit quelque chose de son contenu par la façon dont elle est agencée, dont l’objet est composé, les titres choisis. C’est la raison pour laquelle j’ai utilisé le terme de « mise en scène ». L’organisation de chaque numéro relève d’une fabrication concertée. Je suis devenu extrêmement sensible à cela au point d’en avoir fait une partie de ma vie.

Les nouveaux procédés de fabrication, l’essor du graphisme permettent de réaliser une maquette ambitieuse avec peu de moyens. Il est ainsi possible de toucher des lecteurs qui n seraient pas intéressés au premier abord par le sommaire, mais qui seraient attirés par la maquette. L’alliance possible entre les graphistes, les auteurs et les éditeurs représente-t-elle l’avenir des revues ?

M.G. : Ce que vous dites me semble tout à fait acceptable dans le principe. Il existe une tradition de revues d’art et d’architecture magnifiques, très bien faites, très bien imprimées, avec des illustrations, ou encore de belles revues de poésies, comme par exemple celle de la fondation Maeght. Mais ces revues coûtent très cher et qui plus est, aucune, à ma connaissance, n’a été un objet intellectuel vraiment original. J’oserais même dire que les images « tuaient » souvent l’écrit, par leur profusion et par une conception qui met le texte au service de l’image, qui l’annule. Les seuls choses que j’ai vues étaient des objets esthétisants qui ne sont pas des supports intellectuels, même s’ils peuvent être superbes. Je n’ai jamais trouvé d’alliance réussie entre une image à visée esthétique et un texte analytique. L’alliance de l’objet esthétique et de l’objet intellectuel n’a pas été trouvé jusqu’à présent.

Les livres de sciences humaines trouvent de moins en moins de lecteurs. Vous avez écrit à ce sujet un article paru dans Le Débat et repris dans votre livre La Démocratie contre elle-même. Le titre de ce petit texte est évocateur : « Le niveau monte, le livre baisse ». Vous déplorez « l’incuriosité » qui caractérise les lecteurs d’aujourd’hui, notamment les étudiants. Pouvez-vous développer ce point ?

M.G. : Il est impossible de répondre à cette question par des propositions bien établies. Je constate un fait : l’évolution à la baisse du tirage et des ventes, qui ne concerne pas seulement les éditeurs généraux, comme Fayard, Le Seuil, Gallimard. L’éditeur le plus sinistré par le phénomène, ce sont les Presses universitaires de France, menacées de disparition. Pourtant, c’est un éditeur de qualité dans un registre académique, qui a su évoluer.

Pour comprendre l’incuriosité du lectorat étudiant, les sociologues devraient se rendre avec un micro sur les campus, ce qu’ils ne font malheureusement pas ! C’est la disparition des « grands lecteurs » qui est cruciale, on le sait. En dépit de toutes les objurgations ministérielles en faveur de la pluridisciplinarité, de moins en moins de lecteurs lisent en dehors de leur domaine étroit. La logique de la spécialisation et de la restriction des champs est destructrice : les chercheurs professionnels et les universitaires s’enferment dans de très petits sujets, lisent dans leur domaine et s’en tiennent là. Les professeurs sont là pour donner envie de lire mais ne le font guère. Je n’incrimine pas les étudiants mais la communauté intellectuelle. Je suis affolé de voir que certains professeurs ignorent l’existence d’ouvrages canoniques…parce que ce n’était pas au programme quand ils étaient étudiants. La plupart s’arrête d’apprendre lorsqu’ils terminent leurs études, en dehors du domaine strict où ils ont à produire des travaux pointus. Cette incuriosité se répercute sur les étudiants qui font des thèses dans un domaine réduit, se limitent dans leurs recherches.

J’ajoute enfin un phénomène social, beaucoup plus général : l’incuriosité collective. Certes, les sociétés n’ont jamais réfléchi « en bloc » sur leur destin. Ce travail était réalisé par des élites plus ou moins larges, qui n’étaient pas forcément d’ailleurs les élites de l’administration et du pouvoir. Des élites militantes, des élites sociales, des élites de la curiosité. Il y a eu des bourgeoisies cultivées, les bourgeoisies d’aujourd’hui sont incultes. Contre cela on ne peut rien.

Ne pensez-vous pas que le jargon persiste, ce qui détourne les lecteurs non spécialistes, notamment les étudiants ?

M.G. : De très nombreux livres classiques, sans aucun jargon, ne se vendent pas. Prenons par exemple un auteur Paul Bénichou, l’un des plus grands spécialistes de la littérature française du XIXe siècle : ses livres ont des tirages ridicules. Les étudiants ne les lisent pas, les professeurs non plus d’ailleurs. C’est incompréhensible : il écrit un français d’un classicisme impeccable, limpide. Les quatre ou cinq volumes qu’il a consacrés au romantisme français contiennent une somme d’informations considérable. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres !

Outre votre engagement précoce dans les revues, vous avez un parcours d’enseignant et de chercheur pour le moins atypique…

M.G. : Je ne suis pas agrégé, je n’ai même pas fait de thèse. J’ai écrit des livres que j’aurais pu « habiller » en thèse. Je n’en ai pas eu besoin car à l’époque, on était plus laxiste. J’ai d’abord enseigné au collège pendant plusieurs années pour subvenir à mes besoins. Puis je suis entré à l’Ecole des hautes études en sciences sociales sur travaux comme ingénieur de recherches[Ndr : Depuis 1989, Marcel Gauchet occupe un poste de directeur d’études à l’Ehess, au sein du centre de recherches politiques Raymond Aron]. J’ai fait mon travail d’éditeur à côté. J’ai toujours enseigné parce que l’édition paie très mal. C’est un artisanat pauvre. Il y a très peu d’éditeurs payés à temps complet. Beaucoup sont à mi-temps ou travaillent en parallèle.

Vous dites que l’époque antérieure jugeait moins les prétendants à la recherche au nombre de titres universitaires. Croyez-vous qu’il est possible pour des profils atypiques comme le votre de percer aujourd’hui ?

M.G. : Depuis vingt ans, les jeunes générations d’intellectuels n’apparaissent pas, tandis que les petites revues, qui étaient un ferment très important du renouvellement des idées, disparaissent. Tout cela, en bonne partie, à cause d’une ânerie bureaucratique qui a consisté à calquer le système des thèses sur le modèle américain, uniformisation européenne oblige. Le système stérilise les étudiants. Certes, la « grande thèse » qui avait cours auparavant avait aussi ses perversions : l’auteur mettait parfois trente ans à l’écrire, elle faisait parfois trois mille pages…Mais un lien se nouait entre le jeune chercheur essayant de s’affirmer et la vie intellectuelle. Un jeune chercheur était recruté sur publications. Ce fut mon cas. Désormais, le système s’est inversé : la thèse courte favorise la spécialisation précoce. La plupart de ces travaux sont impubliables. Les jeunes chercheurs s’enferment au moment où ils devraient au contraire procéder par essais, erreurs, toucher à beaucoup de choses, élargir leur champ de culture.

L’agrégation est un facteur supplémentaire de fermeture. C’est une épreuve ultra-scolaire, qui n’a pas le moindre rapport avec la recherche. Elle fournit en effet une certaine compétence de base, qui n’a jamais fait un chercheur cependant. L’agrégation est un effet pervers de la sélectivité accrue, un critère arbitraire mais fonctionnel pour écarter mécaniquement la moitié des dossiers. C’est une conséquence du trop grand nombre de thèses par rapport au nombre de postes disponibles. Tout le monde se moque de l’agrégation en réalité. De ce point de vue, je suis resté contestataire vis-à-vis de l’institution académique. L’édition libre demeure à mes yeux le moyen de contestation de la production universitaire conforme. Vous avez le choix : il y a eux, il y a nous. C’est le public qui tranche.

Quelle place tient l’édition dans votre vie de chercheur en sciences humaines ?

M.G. : L’activité d’éditeur est au cœur de ma vie intellectuelle et de ce que je peux écrire par ailleurs. Mon point fixe est resté l’exigence de comprendre mon temps, dans sa complexité et sa diversité de composantes, avec l’idée qu’il ne s’agit pas simplement d’être un producteur intellectuel au sein d’un domaine particulier, comme si j’étais isolé. Réfléchir pour mon propre compte, pour ce que j’écris, et réfléchir en tant qu’éditeur sur ce qu’il faut publier dans Le Débat, c’est à mon sens une seule et même chose. Les deux se fécondent mutuellement. En faisant mes séminaires ou mes livres, je tombe sur des sujets intéressants que nous traitons dans Le Débat.

Publiez-vous de jeunes chercheurs dans votre revue Le Débat ?

M.G. : Nous en publions beaucoup. Je ne vais pas vous faire la liste des auteurs devenus importants dont nous avons publié le premier article ! Je crois pouvoir vous dire qu’il est très rare qu’un numéro du Débat paraisse sans un article d’un auteur dont à peu près personne ne connaît le nom. C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes là.

Vous avez créé Le Débat en 1980 avec Pierre Nora et Krystof Pomian aux éditions Gallimard. Quelle était l’idée de départ ? Quelles étaient vos motivations ? En quoi le projet du Débat se distinguait-il de vos précédentes aventures éditoriales ?

M.G. : Tout d’abord, c’était très motivant de pouvoir travailler dans de très bonnes conditions avec un grand éditeur, qui représente à mes yeux ce qui se fait de mieux dans le domaine. On connaît mal le métier d’éditeur, qui est peu reconnu. C’est un véritable artisanat d’art, dont Pierre Nora m’a toujours paru un grand artiste.

Il y avait en outre une conjoncture intellectuelle et politique favorable, qui me semblait conforme à l’évolution de mes idées. C’était flagrant : une nouvelle génération apparaissait clairement en 1980. Dans le numéro 4 du Débat, nous avons publié une enquête sur l’avenir intellectuel. Les auteurs étaient pratiquement tous inconnus. Ils ne le sont plus aujourd’hui ! Il y avait une relève générationnelle à opérer, ce qui m’a paru un travail très intéressant à mener. Il y avait un projet politique, un pari congruent avec l’évolution (vérifiée) de la société française et du monde européen en général. 1980 marque la fin du combat anti-totalitaire sur le plan intellectuel : les brûlots marginaux sortent à la une des grands journaux. Le Débat porte ainsi la contestation de l’intellectuel engagé « à la française », qu’il soit d’extrême droite ou d’extrême gauche. Je n’aime pas plus Sartre que Léon Daudet, je suis étranger à tout cela. Il s’agissait donc de réinstaller l’intelligentsia française sur des bases saines, par une revue qui ne soit pas une secte ou une officine de plus dévouée au culte de tel mandarin. Le Débat, c’est un lieu de coexistence et de discussion entre des gens différents politiquement, intellectuellement, disciplinairement.

Aujourd’hui, le travail est loin d’être achevé et conserve sa pertinence : les séquelles et les rémanences de cette attitude « critique » dans la culture gauchiste se ressentent encore. Le gauchisme n’est pas qu’une position intellectuelle, c’est littéralement une manière de vivre. Je suis né et j’ai été élevé là-dedans, intellectuellement parlant, j’en avais vraiment marre ! J’étais très content de me retrouver avec des gens polis qui ne vous injurient pas, qui ne vous traitent pas de « social-traître » parce que vous n’avez pas voulu de leur article qui était « vachement subversif »…La culture gauchiste est autoritaire, j’en ai beaucoup souffert. Nous avons porté le projet du Débat à trois, avec Pierre Nora et Krystof Pomian qui venait d’Europe de l’est. En vingt-deux ans, à la différence des psychodrames que j’avais connus pendant la décennie qui précède, nous ne nous sommes jamais engueulés, ni fâchés. Il n’y a jamais eu d’éclats de voix. Nous sommes en désaccord permanent, jamais en désaccord ultime. Chacun a ses optiques, ses goûts, la discussion se passe très calmement, de façon constructive. Il n’y a pas eu de putsch !

Cette culture du conflit est encore présente dans le milieu associatif aujourd’hui.

M.G. : Bien sûr, c’est ce qui reste du militant. On a beaucoup écrit sur les partis, peu sur le militant. C’est un sujet passionnant de psychologie politique. Il y a certes des études prosopographiques qui leurs catégories socioprofessionnelles, leurs origines, leurs parcours, mais pas le fait lui-même, qui est une des explications de la fuite devant la politique. Faire de la politique, c’est devoir rencontrer des militants dont le pékin moyen a très vite envie de s’écarter.

Quel chantier vous semble prioritaire aujourd’hui pour Le Débat au moment où nous entrons dans une autre période ? Comment comptez-vous vous positionner ? Y aura-t-il un renouvellement des cadres ?

M.G. : La liberté d’une revue, c’est de tout refaire à chaque numéro et d’évoluer au rythme des transformations de la société. Cependant, la revue existe depuis vingt ans, ce n’est pas comme si elle venait de se créer. Il y a évidemment une inertie. Une relève générationnelle est nécessaire. La génération du Débat, qui avait trente ans à l’époque de sa création, ce sont maintenant des gens arrivés, installés. Hélas, je ne vois pas émerger actuellement de génération nouvelle significative ; cela peut changer en quelques années. Il y a des individualités, mais rien qui paraisse composer une sorte de paysage un peu cohérent, à l’instar de celui qui se dégageait en 1980.

Nous entrons aujourd’hui dans une autre période. Contrairement aux apparences, nous arrivons, civiquement parlant, devant une série de nouveaux dossiers très complexes à gérer. La situation de notre démocratie appelle plus que jamais une réflexion de fond, que nos sociétés se refusent à mener. Il y a un refus de principe très puissant de réflexion sur nous-mêmes, devant ce qui nous attend. Cela n’en justifie que plus l’existence d’organes minoritaires – car une revue est minoritaire, marginale par définition. Même les revues institutionnelles, établies comme Le Débat, sont toujours aux confins. Plus que jamais, ces confins ont du sens. Je souhaite vivement qu’apparaissent des jeunes à qui je puisse remettre les clés en confiance, ce qui ne m’empêchera pas d’écrire ou de donner mon avis, s’ils me le demandent !

Vous souhaitez vous consacrer exclusivement à vos recherches ?

M.G. : Je rêve de n’avoir que cela à faire. J’attends que les personnes qui me remplaceront émergent. Je trouverais dommage d’abandonner un projet que nous avons eu énormément de mal à établir. Il est très difficile de faire une revue dans la durée. Un de mes grands regrets, je vous l’ai dit, c’est d’avoir vu disparaître les jeunes revues. Il y en avait beaucoup et il n’y en a pratiquement plus.