Les religions comblent un vide du discours social

Philosophie magazine, n°22, sept 2008

Selon Marcel Gauchet, historien et philosophe, la « sortie du religieux » a permis l'avènement de la démocratie. Les fondamentalismes sont une réaction des sociétés religieuses au choc de la modernité. Mais l'homme moderne ne peut faire l'impasse sur son aspiration à la spiritualité.

Philosophie magazine : Depuis votre livre Le Désenchantement du monde, en 1985, où vous défendiez la thèse d'une « sortie de la religion », le religieux semble avoir fait un retour fulgurant dons le monde. N'est-ce pas un démenti factuel à votre thèse ?

Marcel Gauchet : En aucune façon. Je n'ai jamais parlé de la mort de Dieu ou de la disparition de la religion mais de la sortie de l'organisation religieuse du monde. Car la religion, ce ne sont pas d'abord des idées ou des convictions, comme ce l'est devenu, nous autres occidentaux modernes. C'est un mode d'être des communautés humaines, une structuration de l'espace humain social en sa totalité. La sortie de la religion, c'est le passage dans un nouveau mode d'être politique, social, juridique, temporel. Ce processus-là, qui a engendré ce que nous appelons modernité, continue. Il n’implique pas la disparition de la croyance religieuse, mais il change sa place dans l'existence collective. Elle devient une conviction personnelle qui n a plus vocation à fournir une norme englobante de la cité. Pour les croyants eux-mêmes, il n’y a plus de loi de Dieu. Cela ne les empêche pas de regarder leur foi comme une grille de compréhension ultime de la destinée des créatures, mais ils admettent que la loi commune ne peut être que le fruit d’une libre discussion humaine, sur la base de convictions diverses. Nous parlons là bien sûr de l’Occident. Il n’y a aucune incompatibilité entre sortie de la religion et persistance de la croyance religieuse.

Mais ailleurs, les religions politiques ne font-elles pas retour, en particulier à travers les fondamentalismes ?

A quoi assiste-t-on aujourd’hui dans l’espace mondial ? A la diffusion de ce que la sortie de la religion a produit dans le monde occidental : raisonnement économique et scientifique, valeurs politiques de la liberté individuelle, etc. Ce sont des données qui arrivent comme des chocs culturels de première grandeur dans des sociétés encore largement structurées sur un mode religieux. D’où le choc identitaire et la réaction qui s’exprime dans les différentes formes de fondamentalismes. Le fondamentalisme est habité par le sentiment d'une rupture catastrophique et la volonté de revenir en deçà de cette rupture. Loin d'être démentie par ces phénomènes, la thèse de la sortie de la religion permet de les comprendre de l'intérieur.

Comment ?

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