La mondialisation contemporaine est un phénomène complexe qui ne se réduit nullement à son versant économique. La comparaison avec la première mondialisation au cours de la période 1880-1914 permet d'en éclairer le versant politique. Au rebours de ce qui s’est passé au XIXe siècle, Marcel Gauchet montre que les Etats-nation sont les uniques vainqueurs et ressortent renforcés de la deuxième mondialisation car les deux autres mise en forme possible de l’espace mondial, l’empire et l’Etat mondial, n’ont plus de racine dans notre monde et ont par conséquent définitivement disparu. Néanmoins, cette victoire est paradoxale car elle s’accompagne d’une profonde transformation des identités nationales qui subissent un double mécanisme de décentrement et de relativisation. Pour en mesurer les effets, Marcel Gauchet pense qu’il est aujourd’hui indispensable d’élaborer une géographie des hétérogénéités culturelles qu’il tente d’esquisser au travers des exemples américains, chinois et européen. On comprend alors que l'Europe est prise à contre-pied par la géopolitisation de la mondialisation. C’est ce qui explique en grande partie le désintérêt grandissant des citoyens pour la construction européenne et leur décroyance dans ses capacités politiques. En conclusion, Marcel Gauchet estime que la nation représente une communauté historique c’est-à-dire une histoire partagée et non figée. La décision de poursuivre ce destin commun appartient à une communauté de citoyens libres et capables d’en modifier la trajectoire à tout moment. De ce point de vue, la mondialisation contribue à grandir une forme d’identité plus ou moins contrainte. Le métier du politique, consiste à établir en permanence une relation intelligible et intelligente entre une tradition historique et des ajustements nécessaires au sein d’une identité nationale assumée. À défaut, nous favorisons des réactions identitaires plus ou moins lucides.
« S’il y a un pays qui est profondément ébranlé par la mondialisation, c’est le pays qui en a été le moteur: les Etats-Unis. Et rien ne l’a montré mieux que le choc du 11 septembre.
Qu’est-ce que le 11 septembre dans la longue durée de l’identité américaine ? La découverte contrainte que les Etats-Unis sont dans le monde, que le monde peut les atteindre, qu’ils ne le mènent pas du dehors, qu’ils ne sont pas cette terre promise à part des turpitudes du vieux monde et du reste auxquels ils ont tant bien que mal à apporter un peu de lumière. Or, le monde est un englobant dont il sont une partie qui subie les effets en retour de ce qui s’y passe. Il faut bien voir que cette découverte obligée a représenté un véritable viol de l’identité symbolique américaine qui a déclenché une onde de comportements qu’on a beaucoup de peine à comprendre de l’extérieur. Il nous faut mesurer la profondeur du ressort qui est à l’œuvre dans ces actions. La première puissance du monde ne connaît pas le monde. Elle ne le comprend pas. Elle veut son bien. Elle ne veut pas le dominer, ce n’est pas son objet puisque les Etats-Unis ne sont pas une puissance coloniale. Elle veut son bien en toute ignorance de ce qu’il est.
De ce point de vue, la société pour lequel l'apprentissage de la mondialisation va impliquer le plus grand travail de décentrement de relativité, c'est les Etats-Unis. On peut avoir une lecture optimiste des capacités d'appprentissage des Américains - qui sont très grandes. On peut également en avoir une lecture pessimiste. Auquel cas, il y a lieu en effet de s'interroger sur le problème américain pour le XXIe