Le philosophe Marcel Gauchet livre un diagnostic serré et rigoureux de ce qu’il définit comme le mouvement de « la démocratie contre elle-même ». Il met en forme des années de travail sur ce système d’organisation du monde qui n’a plus de vrai rival mais dont la crise s’accroît au fur et à mesure qu’il se répand. La crise naît à l’intérieur même des valeurs de la démocratie : « C’est le zèle des amis de la liberté qui se révèle autodestructeur », nous dit l’auteur dans les deux premiers tomes d’une série de quatre proposant une histoire philosophique du XXe siècle et une théorie de la démocratie. Il s’agit d’un travail majeur, et pour l’instant sans rival, sur la genèse, les développements et les impasses de la démocratie.
Le premier volume, La révolution moderne, présente et analyse « l’unique révolution » - la révolution de l’autonomie – qui court, entre 1500 et 1900, à travers la révolution religieuse du XVIe siècle, la révolution scientifique, les révolutions politiques d’Angleterre et de France, la révolution industrielle et celle des droits de l’homme. C’est la synthèse et le prolongement du travail entrepris dans Le Désenchantement du monde (Gallimard, 1985).
Le deuxième volume, La Crise du libéralisme, couvre les années 1880-1914, la « matrice du XXe siècle », quand sont posées les bases de la démocratie libérale que nous connaissons. C’est aussi le moment de la première crise dramatique débouchant sur les totalitarismes, puis la stabilisation d’après 1945. Le chapitre consacré à Nietzsche, penseur des impasses modernes, est époustouflant.
On ne pourra plus discuter de la démocratie sans avoir lu ce travail.
L'Expansion, décembre 2007