Excellente analyse à mon avis d’Eric Aeschimann pour Libération (Jeudi 15 mars 2007):
« Que l'intérêt pour Bayrou se nourrisse d'abord des déboires de la gauche semble un fait acquis pour les observateurs. Selon la dernière enquête CSA- le Parisien, qui donnait pour la première fois Bayrou à 24 %, le candidat de l’UDF a gagné 15 points chez les ouvriers et employés, au détriment de Ségolène Royal (- 9 %) et de Nicolas Sarkozy (- 7 %) (1). Pour Marcel Gauchet, historien des idées et rédacteur en chef de la revue le Débat, la percée du candidat centriste est « à corréler avec l’effondrement de l’extrême gauche. On savait que ce n’était pas un électorat vraiment gauchiste, plutôt des gauchistes de coeur qui se rendent compte aujourd’hui qu’il peut se révéler plus efficace de passer par le centre que par les extrêmes. Le vote LCR n’a pas fait bouger les choses. Alors que là, avec Bayrou, ça torpille le jeu ». Selon lui, cet «électorat protestataire de gauche», qui aurait été gauchiste « par le coeur » plus que par conviction politique, serait en train de tirer les leçons des grandes mobilisations, par exemple contre le CPE, qui réussissent à bloquer des réformes mais jamais à imposer. Pour preuve, la première composante identifiée de ce vote protestataire new look serait les enseignants. « Bayrou peut attirer par exemple le supporteur de base d’Attac, qui trouvait que la taxe Tobin avait le mérite d’être réalisable et qui continue de chercher le faisable. Ou encore l’électeur classique du PS, écoeuré par l’incapacité de Ségolène Royal à tenir ses promesses d’aggiornamento du PS », continue Marcel Gauchet.
Stéphane Rozès, directeur de l’institut de sondages CSA, récuse le terme de protestataire : «Le pays n’est pas protestataire. Ils cherchent une solution à leurs problèmes. Ils espéraient que Royal et Sarkozy régénèrent leurs partis. Ils ne l’ont pas fait, et Bayrou les attaque maintenant en dépassant le clivage gauche-droite et en mettant l’accent sur la cohérence entre le programme, la pratique et la personne.»